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MAXIME, CHAPITRE SIX : MIRACLE ET FAMILLE

  • SiTuM'aimes
  • 28 mai 2019
  • 6 min de lecture

Photo du documentaire France 2 sur Maxime Gaget


" Les violences reprennent quelques jours plus tard, exactement comme je le redoutais. Le cauchemar continue de plus belle. Mon intellect est complètement anéanti. Je finis par peu à peu voir la « toute dernière solution » comme option ultime à la fin de ce cauchemar éveillé et perpétuel. Situation clairement critique !!

Un miracle va pourtant arriver le 1e Mars 2009. J’étais en train de nettoyer un pan de mur, sur ordre, quand les enfants viennent me voir et, très discrètement, me murmurent ceci à l’oreille : "Max, il y a notre oncle qui veut te prendre en photo pour alerter tes parents ; es-tu d’accord ? ". Alleluïa ! Le miracle tant attendu arrive. Une petite lueur d’espoir germe dans mon esprit. Je leur répond par l’affirmative. Ils vont immédiatement, et surtout le plus innocemment possible, voir leur oncle pour lui transmettre le feu vert. A leur retour, 10 minutes plus tard, je les vois me faire un très discret et furtif signe du pouce : message transmis avec succès. Ouf !

Nadia n’a jusque là rien remarqué, trop alcoolisée et surtout trop occupée à se chercher de nouvelles cibles sur Internet. Elle se lève, un instant après, prend un sac de course, le jette à terre et m’ordonne d’aller faire des courses. A sa surprise, c’est un des enfants qui ramasse le sac. Tous deux insistent pour m’accompagner. Situation très inhabituelle, mais leur mère accepte. C’est tout bénéfice pour elle : elle me colle deux « mouchards », et ils ne sont pas dans ses pattes pendant ce temps là. Nous partons. Au moment où la porte du studio se referme derrière nous, un des enfants va – en silence – faire un léger gratouillis à la porte du studio de leur oncle, qui en sort immédiatement avec un smartphone équipé d’une cellule photo (les tous premiers de l’époque). Il me prend en photo et… je me remémore encore l’expression de son visage, à la fois douloureusement peiné et profondément empathique. Avant de repartir, il m’encourage et m’indique qu’il va de suite prévenir la cavalerie. Nous partons faire les courses…

Pendant ce temps, le frère de Nadia prévient effectivement mes proches qui, alertés, montent immédiatement une expédition de secours sur Paris. Nous sommes un Dimanche.

Le lendemain matin, le soleil n’est pas encore levé, une berline familiale quitte à vive allure Angoulême pour Paris, avec 4 personnes à son bord : mes parents, l’une de mes sœurs, aide soignante, et l’un de mes oncles, ancien militaire fraîchement à la retraite. Quelques heures plus tard, ils arrivent à Paris et se rendent directement au commissariat central du 11e arrondissement, afin d’y solliciter de l’aide, qu’ils obtiennent non sans de longues discussions préalables (par ailleurs assez tendues, à juste titre). Une patrouille est dépêchée sur place.

A cet instant, je ne saurai dire où je me trouve exactement. J’ai certains blocs mémoires complètement verrouillés et, malgré toute l’énergie qui a jusque là été consacrée à essayer de les déverrouiller, je n’y arrive toujours pas à ce jour. Peut-être est-il possible que, pour se protéger, mon esprit n’a en fin de compte pas « enregistré » ces informations.

Je vais accélérer au souvenir le plus proche possible, soit le moment où j’entre dans la partie « salon ». Je vois Nadia, en panique totale, faisant les 100 pas de long en large, tout en se rongeant les ongles avec presque un bruit de scie circulaire, répétant en boucle « Oh là là, je vais avoir des problèmes !? ». La voir ainsi me stupéfait… mais je commence tout doucement à comprendre ce qui se passe. Brutalement, elle arrête de tourner en rond, vient directement face à moi, à moins de 30 cm (elle empeste l’alcool et le cannabis à 2m !) et me dit de butte en blanc : « Voilà… Tes parents sont là. Veux-tu les revoir ? ». Quelle question ! Bien sûr que oui !

Je le lui dis. Elle embraye, essayant de reprendre son calme : « Je vais te laisser partir, mais à une condition : que tu ne portes pas plainte contre moi ». Ben voyons…

Profitant de l’occasion, j’arrive à jouer d’astuce, en croisant les doigts dans le dos (je sais : ça n’est pas poli, mais cela n’en reste pas moins de bonne guerre. Comme l’explique très bien Montesquieu, « En amour comme à la guerre, il n’y a aucune règle »), et lui dit : « Tant que je suis sur Paris, tu n’a rien à craindre », en sachant pertinemment que mon intention est de quitter Paris aussi vite que possible, pour me mettre physiquement à l’abri, et enfin pouvoir porter plainte sans le moindre risque de représailles derrière.

Elle fait une moue un peu dubitative, mais valide malgré tout ma réponse. Sans prononcer un mot, elle prend ma sacoche de travail, me la jette dans les bras, et quitte en trombe le studio. Elle dévale les marches 4 à 4, tandis que je descends à mon tour, péniblement et surtout très prudemment compte tenu de mon état physique extrêmement faible.

J’atteins le rez de chaussée. Il me reste un long couloir très sombre à traverser avant d’atteindre la porte principale du bâtiment. Ce couloir, si sombre, contrasté par la porte ouverte, de laquelle surgit une vive et intense lumière…. Tout un symbole : je passe des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie. Il est approximativement 14h30.

Nadia, qui a réussi à héler les agents de Police, me laisse passer. Je pose un pied hors du bâtiment, puis deux. Je ferme les yeux, prend une lente et profonde respiration, les yeux clos. Ça y est, je suis enfin libéré de cet enfer ! Les deux agents me prennent en charge et m’escortent jusqu’à une alcôve située un peu plus haut dans la rue. Me proches me voient mais ont toutes les peines du monde à me reconnaître tant je suis défiguré et épuisé. Je trouve la force de leur dire « Me voilà, je suis en vie ». Ils me prennent dans leurs bras, je suis dans un état de complète sidération…

Ils me confieront, des années plus tard, ne m’avoir reconnu qu’au son de ma voix, qui était très faible.

Nous quittons Paris très vite. En chemin, j’arrive tout doucement à lâcher quelques informations au compte-goutte. Mon père réussi à faire bloquer immédiatement mon compte, pour empêcher Nadia de faire plus de dégâts encore. Une première chose de faite. D’un commun accord, ils appellent le CHU d’Angoulême, pour les avertir de ma venue. Vers 19h, nous arrivons au pôle des urgences. Tous m’accompagnent. Quand l’équipe médicale me voit arriver, elle réalise unanimement la gravité de la situation et les infirmières me prennent immédiatement en charge. Tous les vêtements que je porte sont mis dans une poche poubelle, y compris mon cher blouson cuir A-4, auquel je tenais pourtant énormément, à titre très symbolique : cela va m’aider, selon mes proches, à tirer un trait sur ce cauchemar. Même si cela n’efface pas tout ce que j’ai dû endurer, cela aide en tout cas bel et bien à « lâcher du lest » sur le plan spirituel. Je trouve peu à peu la force de réagir, et signale dans un premier temps mes fils opératoires encore présents. Leur retrait ne s’est pas fait dans la douceur, étant donné que les chairs avaient commencé à repousser dessus. Même s’il est vrai que j’ai pas mal « dégusté » au passage, ce n’était qu’une broutille comparé à ce que Nadia m’a fait précédemment endurer. Un peu plus tard dans la soirée, sachant que mes proches ont dû quitter les lieux (horaires de visites obligent), j’ai pu demander à une infirmière s’il était possible d’être entendu par une équipe de Police, ce à quoi celle-ci m’a répondu que tout était déjà organisé pour le lendemain matin, à 9h. Parfait. A une autre infirmière, venue vérifier mes constantes, je trouve la force de lui demander quel était son point de vue vis-à vis des différents ratios liés aux violences conjugales Homme/Femme et femme/Homme. Je n’oublierai jamais ce qu’elle m’a répondu :

« Je vais vous dire deux chose très simplement. Premièrement, de notre point de vue, c’est du 50/50. Ensuite, cela fait plus de 20 ans que j’exerce ce métier, et vous êtes le second cas le plus grave qu’il m’ait été donné de voir ! ». Deux gigantesques électrochocs en moins de 20 secondes !

Plombé par une fatigue impossible à décrire, je m’endors profondément, pour une fois depuis très longtemps enfin au calme, et en sécurité. J’ai à ce moment l’impression de ne pas avoir connu un tel calme depuis des temps immémoriaux, et cela a assez paradoxalement joué dans ma difficulté initiale à trouver enfin la force de fermer les yeux et…. Dormir du sommeil du juste."

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