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ANNE-CLAUDE SAVY : AVOCATE EN CHARGE DES AUTEURS DE VIOLENCES CONJUGALES

  • SiTuM'aimes
  • 2 mai 2019
  • 3 min de lecture


" En ma qualité d’Avocate exerçant sur le Barreau du Val de Marne, je suis amenée à connaître de dossiers de violences conjugales et à défendre, notamment, des auteurs de telles violences.

J’interviens particulièrement dans le cadre de permanences organisées par le Barreau de Créteil pour l’assistance de personnes déférées devant le Tribunal Correctionnel selon la procédure de comparution immédiate, entièrement prise en charge par l’Etat.

Il s’agit d’une procédure d’urgence rendue souvent nécessaire par les circonstances particulières dans lesquelles sont commises les infractions de violences conjugales : la cohabitation habituelle de la victime et de son agresseur impose en effet la recherche d’une solution rapide.

Les prévenus que je rencontre sont essentiellement des hommes issus de milieux relativement défavorisés, bien que le problème se retrouve à tous les échelons de la société et que des femmes puissent également, rarement cependant, être auteures.

On constate que les victimes mettent fréquemment beaucoup de temps avant d’oser déposer plainte, multipliant au préalable les dépôts de mains courantes et lorsqu’elles le font, retirent souvent leur plainte dans un second temps. Sous l’emprise psychologique de leur agresseur et prisonnières de l’ambivalence liée à la relation dite amoureuse qu’elles entretiennent avec lui, elles éprouvent en effet tantôt de la peur, tantôt de la culpabilité et de la confusion, les retenant dans leur démarche.

Il faut savoir que dépôt de plainte ou pas, le Procureur de la République a l’opportunité des poursuites : dès l’instant où il a connaissance d’une infraction, il peut décider de la poursuivre pénalement et de déférer son auteur devant une juridiction aux fins d’y être jugé, peu importe qu’une plainte ait été déposée ou retirée.

Quant aux situations, on observe certains schémas récurrents.

La pulsion de répétition est malheureusement souvent opérante et les personnes, auteurs comme victimes, ayant connu de tels comportements dans leur passé, notamment dans leur enfance, vont avoir tendance à reproduire ces situations.

La problématique de l’alcool est bien évidemment très présente, facilitant le passage à l’acte. Des personnes commettent en effet des actes de violence sous l’emprise de l’alcool qu’elles n’auraient jamais commis autrement. Cette circonstance de l’alcoolisation, souvent source d’une grande culpabilité pour l’auteur au jour de son procès, est néanmoins et fort heureusement aujourd’hui considérée par la loi pénale comme une circonstance aggravante de la commission de l’infraction, augmentant la peine encourue.

Il convient aussi de mentionner que les violences sont souvent en relation avec le milieu culturel dans lequel baigne le couple. Il est hélas trop fréquent de croiser des familles, socialement défavorisées, dans lesquelles la femme, sous l’emprise totale de son mari, n’est non seulement pas en mesure d’exercer les droits qui sont les siens sur le territoire de la République Française, mais doit en outre subir, de manière tout à fait « normale » des violences répétées au quotidien. Dans ces familles, la femme, tout comme les enfants, doit être « éduquée » par son mari, autrement dit lui obéir sans discussion.

On comprendra aisément que ces femmes, parfois littéralement emprisonnées chez elle, coupées de toutes relations sociales, rencontrent de réelles difficultés pour déposer plainte.

Le procès, aux vertus pédagogiques, est dès lors le temps et le lieu du rappel et de l’application de la loi pénale qui s’impose à chacun sur le sol français, quelles que soient sa nationalité et son origine et que nul n’est censé ignorer.

Mais il est également l’occasion pour les deux parties de s’exprimer plus personnellement, l’audience faisant souvent œuvre de catharsis. Des maux, des souffrances se disent ; de l’amour aussi parfois. Certaines situations compliquées peuvent trouver une issue, par exemple dans la décision commune d’une séparation du couple. D’autres fois, il faudra malheureusement attendre encore plusieurs condamnations avant qu’une solution n’advienne.

Le procès permet également et en dernier lieu à la défense de prendre la parole.

La défense du prévenu, qui revient sur son parcours de vie et sa personnalité, permet ainsi d’éclairer le Tribunal sur les circonstances qui ont pu l’amener à commettre des violences et tente de contribuer à faire la lumière sur leurs origines possibles. Il ne s’agit jamais de justifier de tels actes, d’innocenter mais simplement de porter ces éléments à la connaissance des juges qui devront prendre une sanction juste et adaptée.

Ce principe du procès équitable, reposant sur l’équilibre des forces, est reconnu par tous les textes en vigueur sur le territoire, nationaux, européens et internationaux. Si la victime doit bien évidemment être en mesure de faire valoir ses droits, le prévenu doit l’être également. C’est là la condition et l’un des piliers de l’efficience de l’Etat de droit, garant des droits humains et des libertés fondamentales."

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