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CAMILLE DORMEGNIES : DIRECTRICE DE FRANCE VICTIMES 44

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  • 26 mars 2019
  • 6 min de lecture


Camille Dormegnies - DIrectrice de France Victimes 44 Nantes

Camille Dormegnies est directrice de France Victimes 44 Nantes, anciennement Adavi 44, qui fait partie de France Victimes, réseau de 130 associations d’aide aux victimes.

(Toutes les associations du réseau France Victimes ici : https://www.france-victimes.fr/index.php/component/association )

France Victimes 44 Nantes est une association généraliste d'aide aux victimes d'infractions, c'est-à-dire les victimes d'atteintes aux personnes (violences physiques, psychologiques, sexuelles, harcèlement, violences au sein du couple...), d'atteintes aux biens (vols, cambriolages, abus de confiance, escroquerie...), d'accidents de la circulation, de catastrophes naturelles, de terrorisme.

Le but de l’association est d’informer les victimes sur leurs droits, de les aider dans leurs démarches juridiques et de leur proposer un soutien psychologique tout au long de la procédure pénale.


SdC : Quel accompagnement proposez-vous ?

C. D. : L'accompagnement que nous proposons est juridique et psychologique. Nous accompagnons la personne tout au long de sa procédure pénale, qui est notre cadre d'intervention principal. Cela peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années, en fonction de la durée de cette procédure et des besoins de la personne. Nous aidons les personnes dans la compréhension des procédures et dans leurs démarches.

L'idée, c'est que la victime qui a été objet pendant l'infraction redevienne sujet, et sujet de sa procédure pénale.

Des bénévoles composent le bureau et travaillent à la politique associative de l'association, et nous avons une équipe de 9 salariés professionnels, composée de 5 juristes, 2 psychologues, et d'accueillants victimes, avec une direction, donc moi, qui suis directrice de l'association.

Au niveau de notre siège social, nous sommes ouverts du lundi au vendredi de 9h à 18h. C'est un accueil qui est d'abord privilégié au téléphone. Nous fixons ensuite des rendez-vous, directement avec la juriste, ou en binôme avec juriste et psychologue. Les juristes tiennent également des permanences au plus proche des personnes, dans des lieux d'accès aux droits type maisons de justice et du droit, ou points d'accès aux droits.

Nous sommes aussi présents au tribunal, dans le cadre du bureau d'aide aux victimes, appellation du ministère de la justice, donc nous sommes également 35 heures par semaine au palais de justice.


SdC : Votre association s'adresse-t-elle seulement aux personnes qui engagent une procédure juridique ?

C. D. : Oui, à plus de 80 %. Mais si la personne n'a pas encore déposé plainte et qu'elle veut prendre de l'information sur comment déposer plainte, ou ce qu'entraîne la plainte, nous allons la recevoir.

Nous pouvons même, à partir du moment où il n'y a pas de problématique de mise en danger ou de signalement obligatoire, accompagner la personne dans sa réflexion du dépôt de plainte. Nous lui expliquerons comment tout retracer en détails, les points à ne pas oublier, ce qu'il se passera après la plainte, et l'informerons de choses comme par exemple, le fait qu'elle ne sera pas avertie quand la personne qu'elle met en cause sera auditionnée...

Nous préparons aussi la victime à des questions qui pourraient être mal vécues lors du dépôt de plainte, en lien avec les policiers référents à l’aide aux victimes au commissariat de Nantes qui a pris des plaintes pendant de nombreuses années et connait bien le fonctionnement des auditions. L'idée, c'est de se préparer à ces questions avant, pour qu'elles les vivent un peu mieux.

Cependant, si après avoir été informée et avoir fait ce cheminement-là, la personne ne veut pas déposer plainte, parce que c'est quand même difficile de porter plainte parfois, nous l'orientons vers une autre structure, car ce ne sera plus notre cadre d'intervention.

Environ 17 à 19% des gens qui nous contactent n'ont pas encore déposé plainte, et pour autant peuvent être accompagnés dans cette réflexion, ce cheminement par l'association.


SdC : Comment les victimes ont-elles connaissance de votre association ?

C.D. : Ce qu'il faut savoir, c'est que c'est une obligation légale, les personnes ont nos coordonnées dès lors qu'elles déposent plainte. Et les 19% qui n'ont pas déposé plainte ont eu l'information par nos partenaires, les médias, ou notre site internet, et c'est eux qui choisissent de prendre contact avec nous.

Mais nous pouvons aussi être saisis par le procureur de la République pour venir en aide à certaines victimes. Il y a une politique pénale du parquet très active dans le cadre des violences faites aux femmes et au sein du couple. Très souvent nous recevons les coordonnées de la victime et c'est nous qui faisons une démarche pro-active et prenons contact avec elle pour proposer notre aide.


SdC : Combien de personnes accompagnez-vous ?

C.D. : Nous recevons un peu plus de 3800 personnes dans l'année. Pour certaines il va y avoir ce double aspect juridique et psychologique, pour d'autres ce sera uniquement de l'information juridique. Et comme les personnes peuvent prendre contact avec nous à n'importe quel moment de leur procédure, certaines vont bénéficier d'un accompagnement sur la durée, et d'autres d'un seul entretien. Nous restons à la disposition des gens, qui peuvent nous rappeler si besoin. 3800 victimes c'est beaucoup mais en même temps c'est très variable, on n'accompagne pas forcément dans la durée ces 3800 personnes.

Si on enlève toutes les atteintes aux biens, et que l'on prend uniquement les victimes d'atteintes aux personnes, on retrouve parmi les violences volontaires un grand pourcentage de personnes concernées par les violences dans le couple.

En 2018, 36,5% des atteintes aux personnes sont commises dans le cadre intra-familial (24,5% dans le cadre du couple ou de l’ex couple et 12% dans le cadre familial hors couple)


SdC : Comment cela se passe pour les victimes de violences au sein du couple ?

C.D. : Nous sommes formés dans notre association à cette prise en charge spécifique des victimes de violences au sein du couple. Parce qu'il faut avoir bien connaissance de certaines choses qui sont spécifiques à ces violences, comme par exemple les notions de cycle de la violence, d'emprise etc... Donc nos salariés sont formés spécifiquement à ces questions. Ces formations sont proposées par la fédération France Victimes, mais il existe également des formations continues, des colloques organisés sur cette thématique dans la région... J'ai donc du personnel formé à cette thématique sans problème.

Pour une femme victime de violences dans le couple, nous proposons systématiquement un entretien binôme, juriste et psychologue, pour le premier rendez-vous.


SdC : Travaillez-vous, pour les violences au sein du couple, avec d'autres acteurs?

C.D. : Oui. Nous travaillons en lien étroit avec d'autres structures et associations du tissu local, notamment Solidarités Femmes, qui propose un accompagnement social, des groupes de paroles et l'hébergement des victimes ; et le CIDFF qui accompagne sur le divorce, la séparation, l'hébergement...

Nos juristes restent vraiment sur l'aspect pénal et donc nous orientons vers nos collègues du CIDFF pour tout ce qui est droit de la famille parce que cela ne relève pas de notre compétence.

Sur cette thématique des violences au sein du couple, nous participons au stage de responsabilisation des auteurs de violences conjugales, porté par l’association d’action éducative adhérent à la Fédération Citoyens Justice. Nous intervenons en binôme, juriste et psychologue, pour venir parler de l'impact des faits sur la victime et les enfants exposés à ces violences, en l’occurrence majoritairement des femmes. Mais nous avons aussi eu des femmes dans les auteurs, donc nous avons parlé de l'impact sur les hommes victimes, et nous insistons également sur l'impact sur les enfants.


SdC : Pourquoi ?

C.D. : Il y a un point de vigilance particulier sur les enfants qui sont exposés à ces violences-là. Nous avons pris conscience assez tardivement en France de l'impact que pouvaient avoir ces violences sur eux, mais c'est acté aujourd'hui. Nous avons donc mis en place des permanences psychologiques dédiées.


SdC : Que dire des hommes victimes de violences au sein du couple ?

C.D. : Ils sont loin d'être majoritaires. Je pense qu'il y a des freins encore plus grands pour eux. Ce que j'ai constaté lorsque je faisais encore de l'accueil téléphonique en tant que juriste, avant de devenir directrice, c'est que lorsqu'il y a un appel d'un homme victime de violences conjugales, il y a ensuite souvent un rendez-vous non honoré.

En effet, c'est une démarche compliquée pour des hommes, encore plus compliquée peut-être. Heureusement, il y a eu énormément de travail fait par les associations féministes pour le « osez en parler » pour les femmes victimes. Mais ce travail n'a pas été fait spécifiquement pour les hommes, et c'est encore plus compliqué pour eux de faire la démarche. En terme de statistiques, ils sont de fait moins nombreux, mais il est vrai que les démarches leur sont encore moins facilitées.


SdC : Ces victimes de violences au sein du couple viennent-elles surtout pour des violences physiques ou psychologiques ?

C.D. : Les violences au sein du couple sont très souvent physiques et parfois sexuelles, mais elles sont surtout psychologiques. La loi l'a enfin intégré, mais c'est compliqué à prouver et à dire. Mais bien sûr que les violences psychologiques font partie intégrante de ces violences.

Autour du 25 novembre (journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes), il y a toujours des colloques, et cette année, la déléguée aux droits des femmes a voulu spécialement les porter sur la questions des violences psychologiques. Une avancée encourageante !


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